«Qui suis-je pour juger ? Les confessions d’une catho républicaine» de Frigide Barjot

Dans «Qui suis-je pour juger ?», Frigide Barjot livre un récit et une analyse inédits du mouvement des manifestations millionnaires de 2013 contre la loi Taubira de ‘Mariage pour Tous’.

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rioufolLa préface d’Ivan Rioufol

Stupéfiant : c'est le mot qui me vient à l'esprit pour décrire les impressionnantes mobilisations populaires de 2013 contre le mariage homosexuel et, plus généralement, pour la protection de la civilisation menacée par les déconstructeurs. Cette éruption de la France silencieuse, excédée d'être méprisée et de ne pouvoir être entendue, reste un événement politique considérable, qui chamboule les équilibres traditionnels. L'attente d'un signal était là, enfouie chez les Oubliés. Et c'est Frigide Barjot, personnalité excentrique, qui a su comme nulle autre allumer la flamme, libérer les énergies, redonner la fierté et le courage de défendre des valeurs ringardisées par un < progressisme > persuadé d'être son propre créateur.

Sous sa bannière, la société civile, que l'on croyait anesthésiée par quarante ans de politiquement correct et de pensées fléchées, s'est remise en marche. Celle-ci ne s'arrêtera pas de si tôt. Frigide Barjot a réussi la prouesse, l'ingagnable pari, d'avoir su se mettre en communion avec une France conservatrice, en lui évitant à la fois les pièges de la récupération extrémiste et de la caricature traditionnaliste. Elle a fait apparaître, grâce à son génie de la communication et du spectacle, une société soudainement subversive et donnant difficilement prise aux caricatures et aux raccourcis. La France garde en mémoire, depuis, cette singulière Jeanne d'Arc un brin déjantée, issue des night-clubs, de la culture rock, de la provocation médiatique et de la télévision bas du front. Elle a même réussi à imposer son parodique et ridicule nom de potache.

Je ne veux évidemment pas abuser, à ce stade de l'Histoire qui s'écrit, d'une comparaison évidemment outrancière entre la Frigide et la Pucelle. Cependant, je remarque des similitudes qui rapprochent, d'un point de vue romanesque en tout cas, ces deux personnalités hors du commun. Toutes deux sont habitées par une mission spirituelle qui leur a été révélée, sur le tard concernant Frigide, longtemps happée par les nuits parisiennes. Toutes deux y mettent toute leur énergie, toute leur verve, toute leur vie, persuadées de parler au nom d'une puissance supérieure. Je ne dis pas, non, non, que Frigide Barjot entend des voix elle aussi; elle a assez d'ennuis comme ça et trop nombreux sont ceux qui aimeraient se contenter de voir une givrée dans cette drôle de meneuse d'hommes. Cependant je la crois profondément et sincèrement habitée par cette sainte exaltation qui peut mobiliser des foules et faire parfois des sortes de miracles. C'en fut un de faire descendre, et à plusieurs reprises, des centaines de milliers de personnes dans les rues, à la grande perplexité des sociologues en chambre et des renseignements généraux qui avaient annoncé un feu de paille. Jean-Luc Mélenchon, le mécréant, peut aller se rhabiller avec ses appels à l'insurrection civique. Barjot est beaucoup plus révolutionnaire que lui. Je l'ai vue, imprégnée d'une mémoire millénaire transmise par les évangiles, ces textes écrits par des hommes, se comporter en porte voix, en héritière, d'une force collective qui la dépassait forcément.

Frigide Barjot à Paris sur le Champ de Mars avant la Manif pour Tous du 13 janvier. Photo Le Figaro

Frigide Barjot à Paris sur le Champ de Mars avant la Manif pour Tous du 13 janvier. Photo Le Figaro

Car Frigide Barjot a été évidemment dépassée. Dès le départ, le mouvement de fond qu'elle a mis en branle était destiné à prendre son rythme, sans plus d'égards pour sa bonne fée. Il faut plus qu'un don de persuasion pour qu'une femme hors du commun puisse soudainement mobiliser des foules tranquilles mais déterminées. Il faut un contexte, un terreau, des vents porteurs. Frigide Barjot est arrivée au bon moment, dans une France qui attendait une délivrance. Elle a été l'élément visionnaire d'une nation qui avait un besoin vital d'affirmer publiquement son attachement à des valeurs. Elle a su attraper, avec un rare sens politique, cet air du temps, et braver, avec son talent et son anticonformisme, les pesanteurs du discours unique qui avait tiré un trait sur ce trop vieux pays, trop attaché aux valeurs de la famille et de ses filiations. Aucun parti politique ou syndicat n'auraient pu faire descendre autant de monde dans les rues de Paris et de province. Cet exploit n'a pu être renouvelé depuis que la guerrière s'est désolidarisée de la ligne politique de la Manif pour Tous.

Il ne m'appartient pas ici de dire les torts. Je constate que la grande manifestation du 2 février 2014, si elle n'a pas eu le souffle ni l'ampleur de celles conduites par < l'ex-égérie de la Manif pour Tous > (comme les journaux la désignent désormais) a su éviter la radicalisation et la violence qui étaient redoutées, y compris par elle-même. Ce peuple en colère reste le même. Les liens que Frigide Barjot avait tissés n'ont pas été rompus. Mais c'est à elle, aujourd'hui, de se mettre à la disposition de cette France éveillée et en quête de leaders. Je la sais capable de ce retour qu'elle désire. J'ai eu l'occasion d'observer chez elle cette autre qualité, plus surprenante de la part d'une personnalité extravertie et émotive : celle de la stratège froidement politique, calculatrice, autoritaire, tempétueuse, qui a eu le réflexe politique d'associer des homosexuels, des musulmans et des laïques au combat contre le mariage gay, en réclamant en revanche la reconnaissance d'une union civile pour les couples de même sexe. Il est d'ailleurs bien dommage que la droite n'aie pas eu le courage d'aller dans cette direction quand elle était au pouvoir.

Frigide Barjot, avec ses exubérances et son sens politique affuté, n'a pas encore tout dit ni tout montré de ce qu'elle peut apporter. Elle est un rempart utile aux extrémismes qui ont défiguré, début janvier, le Jour de Colère, où l'antisémitisme et la violence ont dévoilé leur visage.

A l'Histoire reconnaissante de lui faire sa place.

Ivan Rioufol

QSPJ-commande

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